Voir dans la nuit du corps

C'est lors de son voyage en Italie (1775-1776) que Sade découvre les cires de la Specola de Florence et particulièrement la plus ancienne réalisée par Zummo, tel un petit théâtre représentant les ravages de la peste, qu'il évoquera encore, vingt ans après dans l'Histoire de Juliette.

Le fascinent manifestement, à la fois, la force d'illusion de la cire comme matériau de toutes les métamorphoses et le caractère démontrable de la plupart des mannequins qui, montrant à la fois le dehors et le dedans, font voir ce qu'on ne peut voir autrement, à moins de basculer dans la criminalité. S'il semble même préférer ces cires à tous les chefs d’œuvre italiens, c'est qu'elles le troublent. "J'aime les arts, ils échauffent ma tête", dira Juliette.

Conscient bien avant le romantisme d'appartenir à un univers en continuel devenir, Sade n'aura pas d'autre critère esthétique que cet ébranlement qui ajoute à la mouvance du monde, en le recréant au gré du désir.

 

Annie Le Brun. Exposition Sade. Attaquer le soleil. Musée d'Orsay.