Villa dei Misteri

"Le choc existentiel [ provoqué par l'initiation aux mystères ] était sans commune mesure avec sa cause probablement médiocre. On connaît ces passionnés dont une révélation plus grande ou plus petite a changé la vie : la poésie, la lecture d’Épictète, un gourou, les activités charitables, l'idéal de mourir en combattant, la chaleur éthique ou politique, un fan club d'Elvis Presley, l'alpinisme, l'éternité spinoziste, la science, la peinture ; il a fallu multiplier les substantifs, tant l'âme humaine est polymorphe et tant la frontière entre ses intérêts et ses imaginations est flottante. Loin d'être la forme éminente de ces conversions de tout l'être, la religion n'en est qu'un cas particulier.

Le terme de la mort, dont parle Pindare, n'est plus alors une cassure angoissante qui tranche dans le vif ; c'est plutôt la barre, au-dessous de l'addition des années, où une existence justifiée devient totalité. A Éleusis, certains apprenaient ainsi le vrai sens de la mort. Or, à cette époque, la philosophie n'était pas curiosité intellectuelle ou culturelle mais règle de vie à appliquer ; elle occupait, dans la vie intérieure, la place qu'occupera la religion à l'époque chrétienne. Les Mystères était la seule partie du paganisme qui pouvait rivaliser avec la philosophie de son temps, d'où leur prestige".

 

Paul Veyne. "La fresque dite des mystères à Pompéi" in Les mystères du gynécée. Gallimard, le temps des images. 1998.