Naples, représentation

"Eduardo de Filippo disait que Naples est un théâtre en plein air. Ici, la vie n'existe pas sans sa représentation, et la représentation n'existe pas sans la vie. Cette confusion entre la réalité et son reflet joué est la blessure magnifique de cette ville où tout se mêle, la chanson, la poésie, la langue, la vie, pour former un miracle qui est celui de la représentation, dans une culture à la fois très populaire et très élevée"

Toni Servillo, propos recueillis par Fabienne Darge dans son article consacré aux frères Servillo et à leur spectacle La Parola canta. "L'un chante, l'autre aussi", Le Monde, jeudi 12 mars 2015.

Chien empaillé

"A quoi tenait le malaise que j'avais ressenti autrefois ? Etait-ce à cause de ces quelques rues à l'ombre d'une gare et d'un cimetière ? Elles me paraissaient brusquement anodines. Leurs façades avaient changé de couleur. Beaucoup plus claires. Rien de particulier. Une zone neutre. Etait-il vraiment possible qu'un double que j'avais laissé là continue à répéter chacun de mes anciens gestes, à suivre mes anciens itinéraires pour l'éternité ? Non, il ne restait plus rien de nous par ici. Le temps avait fait table rase. Le quartier était neuf assaini, comme s'il avait été reconstruit sur l'emplacement d'un îlot insalubre. Et si la plupart des immeubles étaient les mêmes, ils vous donnaient l'impression de vous trouver en présence d'un chien empaillé, un chien qui avait été le vôtre et que vous aviez aimé de son vivant."

Patrick Modiano. L'herbe des nuits. Gallimard, 2012