Peindre l'éphémère

Piero di Cosimo. Allégorie. National Gallery of Art, Washington.

 

Une exposition consacrée à Piero di Cosimo s'ouvrira bientôt au musée des Offices à Florence, après avoir été présentée à Washington. Unanimement saluée, elle rassemble la quasi-totalité des œuvres du peintre  : polyptyques, autels, tondi et petits tableaux de dévotion, scènes mythologiques, portraits,  panneaux de coffre de mariage.

Il ne s'agit cependant que d'une petite part de sa production, l'autre ayant été perdue à jamais et pour cause :  comme le souligne Anthony Grafton dans son bel article de la New York Review of Books, Piero di Cosimo dut principalement sa renommée à la scénographie des processions si familières à la Florence de la fin du XVe siècle.  Tout au long de l'année, les habitants voyaient défiler de somptueux cortèges, qu'ils soient publics -  éblouissement devant le procession de  la Compagnia dei Magi mettant en scène les membres de la famille Médicis vêtus de costumes de soie, de perles et de brocart, accompagnés de chevaux pavoisés chargés de coffres, étendards flottant au vent - ou privés  - surprise de voir surgir au détour d'une rue deux cents pages vêtus de blanc escortant un cœur ardent géant, cadeau envoyé en gage d'amour par un riche patricien à une jeune femme qu'il convoitait. 

Dans ses peintures d'ornements et de décors éphémères, Piero di Cosimo fit preuve du même goût de l'étrange que dans ses tableaux mythologiques,  si l'on en juge par le récit que fit Vasari - certes, toujours sujet à caution - de l'effroi mémorable suscité par le char de la mort qu'il élabora dans le plus grand secret : un catafalque semé d'ossements et de croix blanches tiré par des buffles noirs ; en son centre,  la Mort, de taille gigantesque, tenant une faux et entourée de tombeaux qui s'entr'ouvraient à chaque station pour laisser apparaître des hommes déguisés en squelettes chantant de manière déchirante "Dolor, pianto e penitenza", alors qu'à leur suite, une légion de cavaliers de la mort montés sur des chevaux décharnés murmurait en continu le Miserere, au milieu d'une foule de valets et d'écuyers.

 

Sardinhas

 

 

Lisbonne au début du mois de juin est non seulement illuminée par les jacarandas et les bougainvillées en fleurs mais parée de guirlandes, banderoles, lampions et lanternes. Chaque quartier est en fête avant et après le 13 juin, jour de la saint Antoine, patron de la ville. On lui dresse des  autels aux fenêtres et à l'intérieur des maisons (trono de santo antonio ) et les amoureux s'offrent un pot de basilic (manjerico) piqué d'un œillet de papier accompagné d'un quatrain.

L'odeur des sardines grillées se mêle au parfum miellé des tilleuls,  un fado chanté par Beatriz da Conceição se fait entendre au loin avant que le bal ne commence, à la nuit tombée.