Fils de laine et dents de lait

Détail de photo issu du document pdf de présentation du musée berbère de la Fondation Bergé-Saint Laurent à Marrakech

 

A l'entrée du  musée berbère à la somptueuse muséographie logé dans l'enceinte du Jardin Majorelle, œuvre de la fondation Bergé-Saint-Laurent, est distribué un petit livret où l'on peut lire à propos des tapis :

"Tissés par les femmes depuis l'ère paléolithique, les tapis berbères déclinent un vocabulaire de signes et de techniques propres à chaque région. Langage symbolique, prophylactique, voire ésotérique, dont la signification s'est perdue au fil des siècles, mais dont la transmission a été assurée de mère en fille depuis des générations".

Une transmission des formes mais pas de leur sens originel.

Belle insistance sur la liberté d'interprétation au-delà de la pesanteur des significations premières qui enfermeraient les symboles dans l'archaïque et la codification rituelle :  est-ce à dire qu'il faut imaginer qu'à chaque génération, les femmes réinvestissent les motifs de nouveaux pouvoirs, nouant les phases de leur vie autour de cercles, chevrons, losanges, lignes et diagonales ?

Il est un objet dont j'aurais beaucoup aimé connaître l'histoire, c'est ce bracelet provenant de la région de Guelnim aperçu dans l'une des vitrines consacrées aux parures, sous une splendide voûte céleste :  sur des liens de cuir tressés,  étincelaient des dents de lait de petite fille fixées à intervalles réguliers.

 

Le travail du bleu

En 1937, six ans après avoir fait construire par l'architecte Sinoir une villa cubiste blanche dans une palmeraie à la périphérie de Marrakech,  le peintre Jacques Majorelle décide de la peindre un bleu, un bleu de sa composition, dont il recouvre d'abord les murs de son atelier puis tous les murs des bâtiments de sa propriété.

Un bleu outremer clair et intense qui porte désormais son nom : le bleu Majorelle.

Cette invention, inspirée dit-on de couleurs aperçues lors de ses voyages dans l'Atlas, peut se voir non comme une innovation radicale mais comme un hommage audacieux aux couleurs locales dont elle constitue une sorte de double inversé.  Ce bleu se situe chromatiquement à l'opposé de l'ocre omniprésent dans la ville et dans les constructions en terre . Il est aussi artificiel que l'ocre est naturel et suppose un entretien inversement proportionnel à celui de l'ocre qu'on laisse se délaver à la lumière du soleil  et sous la pluie. Pour garder au bleu Majorelle l' intensité qui fait son essence, il importe de repeindre fréquemment. Et je me demande selon quelle infime détérioration de sa nuance, il est décidé de sortir pots et  pinceaux.