Palazzo Sanfelice

 

Naples fond comme un morceau de sucre sous la pluie. Corrodés, érodés, effrités,  ses églises et ses palais. A peine l’effondrement d'une corniche intérieure du Palazzo Sanfelice fait-elle venir une maigre escouade de vigili del fuoco accompagnés d'un architecte bien mis se bornant à enregistrer les dégâts. Quelques femmes passent négligemment la tête à la fenêtre. Personne ne semble s'alarmer.

Naples perd tous les jours de sa substance dans l'indifférence altière de ses habitants.

Comme après tout voyage, une image se détache qui subsume des milliers de pas, des milliers de regards en une intuition de vérité. Une scène à laquelle on n'aura sur le coup prêté qu'une attention flottante, banalité enchâssée parmi des trésors offerts à notre impatiente curiosité.

Cette image, c'est celle d'une gardienne du musée de Capodimonte venant relever l'un de ses collègues et se hâtant d'installer sa chaise derrière des voilages : dans le renfoncement qu'elle a choisi, on ne voit plus que ses jambes mais l'on discerne son visage tourné vers la fenêtre. Elle contemple le Vésuve, dont le double sommet enrubanné de brume émerge d'une rangée de palmiers. Un visiteur pourrait découper une toile qu'elle ne s'en apercevrait pas ;  elle s'est installée loin des tableaux précieux, là où il n'y a presque aucune œuvre à voler. Tout en elle semble dire que rien n'est vraiment grave lorsque l'on vit sous la menace du volcan.