Newe Yeare's Guiftes gyven to the Queene's Majesty

Détail de la liste pour 1579, Folger Shakespeare Library

 

Portrait de la reine Elizabeth, vers 1592, Toledo Museum of Art, Ohio

Anno Regni Regine Elizabeth tricesimo-primo, 1588-9

 

 

Newe Yeare's Guiftes gyven to the Queene's Majesty at Her Highnes Mannour of Richmond, by these Parsons whose names do hereafter ensewe, the first daye, the yeare aforesaide.

By the Lady Marquesse of Northampton, a peire of braceletts of gold conteyning 16 peeces, four enamuled white set with one pearle in a peece, and four sparks of rubyes a peece, the other foure sett with one dasy and a small ruby in the middest thereof, and four small pearles and eight longe peeces betwene them, ech sett with small diamonds and two sparks of rubyes.

By the Countesse of Shrewsbury, a safegard with a jhup or gaskyn coat of faire cullored satten, like flames of fire of gold, and garnesshed with buttons, loupes, and lace of Venis silver.

By the Countesse of Warwick, a chayne, containing 22 aggetts slytely garnesshed with gold, and 22 bawles of jheat slytely garnesshed over with seede pearles.

By the Countesse of Lyncoln, widdowe, a longe cloake of murry velvet, with a border rounde aboute of a small chenye lace of Venis silver, and two rowes of buttons and lowpes of like silver furred thorough with mynnyover and calloper like myll pykes.

By the Countesse of Bedforde, two large candlesticks of cristall garnesshed with silver gilte paynted, per oz. altogether

By the Countesse of Ormount, parte of a petticote of carnacon satten ymbrodered with a broade garde or border of anticks of flowers and fishes of Venis gold, silver, and all over with a twist of Venis gold.

By the Countesse of Bath, a fanne of swanne downe, with a maze of greene velvet, ymbrodered with seed pearles and a very small chayne of silver gilte, and in the middest a border on both sides of seed pearles, sparks of rubyes and emerods, and thereon a monster of gold, the head and breast mother-of-pearles; and a skarfe of white stitche cloth florished with Venis gold, silver, and carnacion silke.

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Une paire de bracelets incrustés de rubis, de perles, de diamants et d'émaux, un jupon de satin flammé bordé de dentelle de Venise argentée, une chaîne de perles et d'or, un long manteau de velours couleur mûre festonné de fourrure, deux chandeliers de cristal recouvert d'argent, un pourpoint de satin couleur oeillet brodé de fleurs, un éventail de plumes de cygnes à monture incrustées de rubis et d'émeraudes avec une tête de monstre à la tête et à la poitrine de nacre, mais aussi des bourses emplies d'or, des tabourets tapissés, des pendentifs, des housses de coussins brodées, des tapis de selle, des fraises, des bas, des mouchoirs, des boîtes à sel, des pièces d'estomac, des coiffes, des gants parfumés, des manchons tissés d'argent brodés de fleurs et de bêtes, doublés de velours rose, des tablettes à écrire, etc.

Voici quelques uns des objets offerts par ses courtisans à la reine Elizabeth Iere à l'occasion des étrennes du 1er janvier 1589

Les étrennes royales, pratique connue dans d'autres cours européennes, étaient fondées sur une système d'échanges extrêmement codifié au cours d'un cérémonial mettant en scène un ballet de messagers : d'un côté, les objets offerts par les membres la noblesse ou du clergé à la reine ; de l'autre, les objets offerts par la reine en retour, le tout scrupuleusement mis en liste, recto verso, sur un rouleau de parchemin, avec pour chaque présent l'indication de sa valeur vénale jusqu'à la somme totale en monnaie. La Folger Shakespeare Library possède un  des vingt-quatre rouleaux qui sont parvenus jusqu'à nous (on en trouve la transcription ici).

Si la réciprocité était immédiate, l'échange était bien évidemment totalement disymétrique puisque le souverain pouvait refuser le présent pour signifier la disgrâce du sujet. On imagine fort bien les longues réflexions qui devaient présider au choix de tel ou tel objet pour s'attirer les faveurs royales et les sueurs froides qui s'ensuivaient. Le Duc de Norfolk, emprisonné, vit sa magnifique pièce de joaillerie rejetée et fut exécuté quelques mois plus tard tandis que Philip Sydney put revenir en cour grâce à l'ingénieux petit fouet bijou qu'il fit fabriquer pour mieux marquer sa soumission. A travers ce système redoutable, chacun pouvait connaître l'exacte place qu'il occupait.

Nous restent la poésie des noms de matière - "taphata", "satten","sarceonnett", "vellat"- , des couleurs et l'impression de plonger dans un coffre à trésors.

Sur les portraits de ER I, voir luminarium et Marilee Cody ; sur les portraits d'Hilliard en particulier, ceci.

Sur sa garde-robe, voir les wardrobe warrants classés par Drea Leed, celui-ci par exemple..

 

La plume de Miss Satin

Images empruntées au facsimile vendu par la librairie Diktats

 

Ceux qui ont vu l'exposition L'impressionnisme et la mode à Orsay en savent déjà les évidents défauts : conception platissime de la peinture considérée comme simple illustration (il y a même une robe sortie du tableau, littéralement), effets de mise en scène grotesques dus à Robert Carsen (chants d'oiseaux et pelouse synthétique pour la section "Mode de plein air" ; alignement de chaises de défilés au nom des femmes de peintres célèbres). Philippe Dagen dit cela très bien ici. Toutefois, je dois l'avouer, j'y ai ressenti le plaisir facile que l'on éprouve à la vision d'un mauvais film en costumes historiques.

Et puis, caché dans les vitrines de la première salle, parmi les journaux de mode dont on décrit le plein essor, il y a un sublime ovni : La Dernière mode, gazette du monde et de la famille que rien ne distingue en apparence des autres titres sinon sa couverture bleue et un papier un peu plus épais. Cette gazette est l’œuvre, de A à Z, du  poète Stéphane Mallarmé qui sous divers pseudonymes (dont le plus délicieux, Miss Satin) l'a alimentée pendant sept parutions de septembre à décembre 1874 : descriptions de lithographies de mode, patrons, chroniques de la mode et de la vie parisienne - théâtres, livres, beaux-arts, menus et recettes ( même un sirop  pour guérir le rhume), conseils pour l'éducation, conseils de tapissier-décorateur, correspondance avec les abonnées.

On n'entrera pas dans les querelles que suscite la caractère inclassable de cette entreprise chez les érudits mallarméens, on se contentera d'en donner de larges extraits à partir des  Écrits sur l'art de Mallarmé que Michel Draguet a rassemblés  chez Garnier Flammarion (les sept numéros de La Dernière mode y figurent in extenso).

Le Papillon emblème ? Non,  parure.

"Ce cachet, il lui sera donné surtout par une nouvelle complétant les informations qui précèdent : c'est, quoi ? l'annonce d'un emblématique Papillon qui, vaste, superbe, taillé dans les tissus légers et délicieux, élèvera son vol immobile à hauteur, Mesdames, de l'une ou l'autre de vos joues, remplaçant par son caprice la fraise historique de ces dernières années. Vos frisures feront tomber leurs anneaux dans l'intervalle des deux ailes. Brillante imagination, n'est ce pas ? qui rappelle les métamorphoses mêlant à des gazes d'insectes un visage de femme dans les albums anciens de Grandville : non, elle appartient au génie de ce magicien extraordinaire, lui, aussi, mais autrement qu'en vignettes, ordonnateur de la fête sublime et quotidienne de Paris, de Vienne, de Londres et de Petersbourg, le grand Worth."

Les gares

"Tels sont nos plaisirs ressuscités ; outre la chasse lointaine, il est des citadins rebelles encore à tout projet de retour : plus que ceux que retient la grande vie de château ceux-là qui errent simplement pour ne pas rentrer. Voyager ! Il leur faut cela après la plage avant la rue. Signalons, rapidement et au hasard, deux ou trois à peine de ces beaux voyages, faits dans les brumes et les riches feuillages d'octobre : mais sans avoir la prétention, à cause de notre peu de place, de les indiquer tous ou presque tous.

Billets d'aller et de retour pour la Forêt de Fontainebleau"

Chronique de Paris

"Mille secrets (histoire volage d'une soirée) trouveront ici, avant de se confondre dans l'éclat de l'orchestre, un écho ; listes de danseurs perdues avec les fleurs effeuillées, programme de concert ou carte des dîneurs composent, certes, une littérature particulière, ayant en soi l'immortalité d'une semaine ou deux."

Étoffes de la saison

"A cette question des tissus va se joindre la préoccupation de couleurs. La nuance la plus en vogue toujours pour le dehors, sera le havane teinté appelée hier cachou et ce matin gyzèle : nous aurons ainsi (mêlant des teintes connues à quelques autres tout à fait neuves) les vert paon, bleu grenat, lie de vin, suresne, régina, loutre, gris de fer, gris ardoise, gris mode, écru et autres désignant les mêmes tons sous de vaines appellations.

Ne cédons pas à la tentation frivole de les énumérer;

Les Étoffes pour Costumes habillés: Lyon nous offre ses fayes et ses failles, ses poults-de-soie, ses satins, ses velours à nuls autres pareils, ses gazes et ses tulles, ses crêpes de Chine acclimatés par une fabrication qui, un jour, les exportera au pays même du thé ; enfin, les tissus lamés d'or et d'argent, goût somptueux, magnifique, ressuscités de jadis.

Mais la plus exquise des innovations, familière et suave, celle appelée, je le dis ! à régner plus qu'une saison, c'est les Cachemires de nuance claire devenus (mieux que les failles et les poults-de-soie) Toilettes du soir ; ceux roses et rose thé, bleus et bleu de ciel, les maïs, les réséda, les myosotis, les crème et gris clair de lune. "

Toilettes de bal : vaporeuses mais très ajustées, avec un exemple

"Quant aux caractères particuliers qui semblent s'imposer au début de l'hiver, dépourvu encore des grandes réunions de plaisr sauf dans l'arrière-saison châtelaine ou dans la prime fleur des régions officielles voici (ce que, du moins, j'ai sais, un peu sur nous, un peu chez les autres, beaucoup près des grandes couturières ou de leurs rivaux les couturiers) :

Article premier et unique

Si les tissus classiques de bal se plaisent en nous envelopper d'un brume envolée et faite de toutes les blancheurs, la robe elle-même, au contraire, corsage et jupe, moule plus que jamais la personne : opposition délicieuse et savante entre le vague et ce qui doit s'accuser.

Exemple de cette règle, qui vient de trop absolues souveraines de la Mode, pour n'être pas suivie tantôt par mille sujettes ravies, c'est : corsage ajusté de haut en bas, prenant les hanches et jupe plate devant, celui-ci venant brider celle là à mi-corps, puis écharpe ; l'Europe n'a-t-elle pas appris ce goût nouveau de l'Orient ?

 A l'article unique ou tout au moins premier qu'il faut écrire, afin de le méditer, sur le carnet de nacre et effacer, avec les derniers noms des danseurs restés de l'autre année, seulement dans l'après-midi d'avant le bal : je joins deux détails ou trois, parfois divers, jamais contradictoires".

Gazette de la fashion (où même les errata sont beaux, rappelant Les Loisirs de la poste)

"Très important à rappeler à nos Lectrices, que dis-je ?  à leur indiquer pour la première fois (car l'autre jour deux chiffres sur trois tout à fait erronés ses sont glissés dans les quelques lignes consacrées ici aux Corsets élégants) est l'atelier nouveau de Madame Gilbert : c'est bien la rue du Bac, mais 106 ( et non 187) qu'il faut écrire sur l'adresse des commandes envoyées la veille à l'habile et gracieuse corsetière."

Et puis, pour finir, parmi les Conseils sur l'éducation, la recommandation de La Petite grammaire française de M. Brachet

"Exempte de toute abstraite aridité pour l'esprit délicat et logique de l'enfant, il vous montre, à vous, qu'une langue, loin de livrer au hasard sa formation, est composée à l'égal d'un merveilleux ouvrage de broderie ou de dentelle : pas un fil de l'idée qui se perde, celui-ci se cache mais pour reparaître un peu plus loin uni à celui-là ; tous s'assemblent en un dessin, complexe ou simple, idéal, et une retient à jamais la mémoire, non ! l'instinct d'harmonie que, grand ou jeune, on a en soi."