Fleurs fantômes

Fleurs fantômes, installation de Gabriel Orozco au Château de Chaumont-sur-Loire.

Fleurs fantômes, installation de Gabriel Orozco au Château de Chaumont-sur-Loire.

Fleurs fantômes, installation de Gabriel Orozco au Château de Chaumont-sur-Loire.

 

Invité à créer une œuvre in situ  au château de Chaumont sur Loire, Gabriel Orozco a arpenté pendant de longs mois ses pièces, d'étage en étage, pour se fixer sous les toits, dans les appartements des invités (ou des domestiques des invités ? ) délaissés depuis 1938, date de la cession du domaine à l’État par l'excentrique princesse Marie de Broglie, veuve d'Amédée, héritière Say,  ruinée par son étonnante union avec l'infant d'Espagne.

Laissés bruts depuis près de quatre vingts ans, leurs murs étaient recouverts d'une superposition de papiers peints, déchirés, arrachés,  laissant apparaître ça et là le crépi, voire l'ossature de bois. Gabriel Orozco a pénétré au cœur de leurs motifs superposés par la photographie puis a utilisé une imprimante à jet de peinture à l'huile pour reproduire sur des châssis des agrandissements, se remettant au hasard mécanique. Phase finale de son œuvre : il a accroché ses vingt-sept toiles en choisissant scrupuleusement leur emplacement, afin qu'elles fassent corps avec les lieux. Vingt-sept toiles qui, isolées de ce contexte, ne seraient qu'anecdotiques et ornementales.

Avec ses "fleurs fantômes", il s'est, dit-il, intéressé à "la fragilité des choses, aux images iconiques accidentées par le temps qui passe, à ce qui est imperceptible". Palimpseste, mémoire en suspens, bribes invisibles de vies éteintes, densité du souvenir de moments disparus, dit encore le programme.

A la vérité, c'est davantage à une exploration de l'espace que du temps que cette œuvre m'a paru inviter. Ces agrandissements reconfigurent tout alentour, par un magistral jeu d'échelles : chaque mètre carré de mur prend une autre dimension, celle de territoires à découvrir dans toutes leurs diversités, avec leurs reliefs et leurs accidents, dans une joie toujours recommencée de la texture. Comme si finalement, les toiles devaient attirer le regard moins sur elles-mêmes que sur la surface sur laquelle elles reposent et forcer le visiteur, loin des fastes néo-renaissance des étages inférieurs, à s'attarder sur ce qu'il aurait eu tendance à négliger. Comme si, par un effet de levier aussi élégant que puissant, elles transformaient tout l'espace en œuvre à part entière.

 L'on pourrait passer des heures à contempler ces pans de mur, progressant de ravissements en ravissements centimètre par centimètre dans ces lieux transfigurés, enfilade de petites pièces lumineuses, de recoins sombres, de couloirs interminables éclairés par des lucarnes découpant chaque fois une vue différente sur les rives, si belles, de la Loire.

Bonne nouvelle : vous avez jusqu'au 31 décembre 2016 pour vous frayer un chemin à travers ce Paperland d'exception.

 

 

Installation Fleurs fantômes de Gabriel Orozco. Château de Chaumont-sur-Loire.

 

Fleurs fantômes, installation de Gabriel Orozco au Château de Chaumont-sur-Loire.

Ciel changeant

Chaise à la reine de Sulpice Brizard, hêtre sculpté et peint, vers 1765. Musée du Louvre

Chaise à la reine de Sulpice Brizard, hêtre sculpté et peint, vers 1765. Musée du Louvre

 

Dans les nouvelles salles d'objet d'art du Louvre consacrées au XVIIe et XVIIIe siècles, alternant period rooms et alcôves de présentation pour petits objets, une chaise cannée à la reine de Sulpice Brizard : ravissement de son dossier peint.


L'est-il aussi à son verso ? Imaginons les effets changeants du ciel - bleuté, rosé, orangé, grisé - selon la couleur de la robe de celle qui s'y asseyait ou les superpositions de motifs à travers les trous du cannage.