Villages perchés et chemins de crête

Giovanni Bellini.Saint François dans le désert. Frick Collection

 

Raphaël. Vierge au chardonneret. Musée des Offices. 

Giovanni Bellini. Vierge à l'enfant. Gemäldegalerie. Berlin

Lorenzo Lotto. Vierge à l'enfant avec Saint Jérôme et Saint Nicolas de Tolentino. Museum of Fine Arts, Boston.

Giovanni Bellini. Femme à sa toilette. National Gallery, London

 

Après avoir eu l'impression de pénétrer dans un tableau de la Renaissance sur les routes d'Ombrie (feuilletage des perspectives, silhouettes des villages perchés se détachant dans le lointain comme un rêve de pierre, contrastes de luminosité ), faire le chemin inverse et sillonner l'espace du tableau pour retrouver les sensations du paysage réel.

 

 

Andrea Mantegna. Triptyque. Musée des Offices, Florence. 

 

Sacro bosco

Herbert List. Bomarzo, Parco dei  Monstri, 1952. Magnum 

Bomarzo e la villa delle meraviglie : guida storica : civilta, arte, religione / Domenico Cenci. - Milano : Unione editoriale, 1957. -

Herbert List, 1952, Magnum

Bomarzo, dans le Latium à une heure de Rome,  un village perché sur un éperon rocheux. En contrebas, au flanc d'une colline bordée d'une rivière, le Sacro Bosco : jardin créé à la Renaissance par le seigneur Orsini pour sa femme Giulia Farnese, dont on raconte qu'il assassina l'amant. Une imagination débridée, des énigmes enfermées dans chaque statue, grotesque ou mythologique : sirène à queue bifide, tortue géante, gueule d'orque, sphinges, nymphe endormie, éléphant d’Hannibal, dragon, harpie, Neptune et Hercule, nymphée, maison penchée, théâtre de verdure, temple. Des inscriptions gravées : Voi che pel mondo gite erando vaghi / Di veder maraviglie alte e stupende / Venite qua, dove son faccie horrende / Elefanti leoni orsi orchi et draghi - « Vous qui allez errants par le monde / Pour contempler de hautes et stupéfiantes merveilles, / Venez ici ! Vous y trouverez des faces terribles / Éléphants, lions, ours, orques et dragons. » ; Ogni Pensiero Vola - « Chaque pensée s'envole ».

Bref, visiter le Parco dei Mostri sonne comme la promesse de pénétrer dans une monde mystérieux de mousses, de pierres et d'arbres peuplé de présences invisibles. Le visiteur devra cependant vite déchanter devant le défilé, aussi joyeux que bruyant, de familles italiennes pressées de faire la queue pour se photographier entre les dents de l'orque. Dans le hall du bâtiment d'entrée, son regard sera d'abord attiré par une machine jaune, bleue et rouge "Love Sexy" à calculer le potentiel sexuel (de "impotente /frigida" à "Bomba sessuale").  Puis il s'attardera sans doute sur de belles photographies en noir et blanc affichées au mur montrant le parc envahi par une végétation buissonnante où paissent des troupeaux de moutons. C'est le jardin juste avant que la famille Bettini n'entreprenne des travaux pour l'ouvrir au public dans les années 50.

Car pendant plus de quatre cents ans, il est resté à l'abandon. Au XIXe siècle et au XXe siècle, quelques étrangers intrépides et connaisseurs s'y sont laissés guider par les paysans du village. Un an après Dali, en 1949, Mario Praz, l'éminent spécialiste du romantisme noir, du beau et du bizarre, visite le jardin dévasté, auquel il consacre un article pionnier publié en 1953. C'est l'heure de la redécouverte de Bomarzo : Antonioni y tourne en 1950 un court-métrage peu après son Nettezza Urbana sur les éboueurs de Rome ; Herbert List y prend des photos en 1953 pour le compte de Magnum  ; André Pieyre de Mandiargues y fait les premiers repérages d'une future étude.

C'est le Bomarzo secret que l'on aurait rêvé de découvrir.

 

 

Stanza degli uccelli

gypsothèque de la Villa Medicis

Cette petite porte verte que l'on aperçoit depuis la fenêtre de la gypsothèque de la Villa Médicis ouvre sur un lieu secret, dont la splendeur a été redécouverte grâce à une pensionnaire de l'Académie de France, Géraldine Albers, venue sonder le badigeon qui le recouvrait. Il s'agit de la chambre aux oiseaux que le cardinal Ferdinand de Medicis a commandée au peintre florentin Jacopo Zucchi vers les années 1576-1577.

Grand collectionneur d'antiques (c'est lui qui est à l'origine de l’incrustation des bas-reliefs sur la façade intérieure de la villa), érudit, féru de sciences et de botanique (il cultivait des spécimens rares dans un jardin secret, le "Jardin des citronniers"), il fait construire à l'écart de sa villa du Pincio, niché au fond du jardin, un petit pavillon privé destiné à la retraite, à l'étude, à la contemplation de la campagne romaine et aux rencontres intimes  : un studiolo de deux pièces recouvertes de fresques.  La plus petite, "chambre de l'aurore", est décorée de grotesques, de paysages et de personnages mythologiques ; le plafond de la seconde, la plus grande, est parcouru de treillages, où s’entremêlent feuillages et fleurs, où sont posés oiseaux et petits animaux. La fraîcheur de l'intérieur d'une volière, un livre d'histoire naturelle à ciel ouvert.

 

 

Voir l'article de L'Objet d'art consacré à la restauration du pavillon de Ferdinand de Medicis

La restauration a été menée par feu Luigi de Cesaris, et les tentures en taffetas de soie rose bleuté, de type ermisino,  qui drapent les parois ont été commandées  à l'Antico Setificio Fiorentino.


 

Voir l'article de L'Objet d'art consacré à la restauration du pavillon de Ferdinand de Medicis

photo empruntée à  cet album flickr.