Stanza degli uccelli

gypsothèque de la Villa Medicis

Cette petite porte verte que l'on aperçoit depuis la fenêtre de la gypsothèque de la Villa Médicis ouvre sur un lieu secret, dont la splendeur a été redécouverte grâce à une pensionnaire de l'Académie de France, Géraldine Albers, venue sonder le badigeon qui le recouvrait. Il s'agit de la chambre aux oiseaux que le cardinal Ferdinand de Medicis a commandée au peintre florentin Jacopo Zucchi vers les années 1576-1577.

Grand collectionneur d'antiques (c'est lui qui est à l'origine de l’incrustation des bas-reliefs sur la façade intérieure de la villa), érudit, féru de sciences et de botanique (il cultivait des spécimens rares dans un jardin secret, le "Jardin des citronniers"), il fait construire à l'écart de sa villa du Pincio, niché au fond du jardin, un petit pavillon privé destiné à la retraite, à l'étude, à la contemplation de la campagne romaine et aux rencontres intimes  : un studiolo de deux pièces recouvertes de fresques.  La plus petite, "chambre de l'aurore", est décorée de grotesques, de paysages et de personnages mythologiques ; le plafond de la seconde, la plus grande, est parcouru de treillages, où s’entremêlent feuillages et fleurs, où sont posés oiseaux et petits animaux. La fraîcheur de l'intérieur d'une volière, un livre d'histoire naturelle à ciel ouvert.

 

 

Voir l'article de L'Objet d'art consacré à la restauration du pavillon de Ferdinand de Medicis

La restauration a été menée par feu Luigi de Cesaris, et les tentures en taffetas de soie rose bleuté, de type ermisino,  qui drapent les parois ont été commandées  à l'Antico Setificio Fiorentino.


 

Voir l'article de L'Objet d'art consacré à la restauration du pavillon de Ferdinand de Medicis

photo empruntée à  cet album flickr.

Siblings

Frères Le Nain, Autoportrait collectif présumé, National Gallery, Londres

disciple de William Larkin, Trois soeurs, Denver Museum of Art

Katia Mann et ses enfants, Klaus, Erika, Golo, Monika, Michael et Elisabeth, 1918

Frank Sulloway,  universitaire américain spécialiste d'histoire des sciences et de psychologie, statisticien émérite, a fait depuis sa plus tendre enfance une fixation sur Darwin.  Jeune chercheur, il est obsédé par une question : comment Darwin, moins ambitieux, moins imaginatif, moins érudit, moins vif que beaucoup de ses homologues est-il parvenu à une aussi grande découverte que la théorie de l'évolution ?  Une question que se posait Darwin lui-même.  Dans une lettre à son fils Horace, datant de 1871, il écrit : " Hier soir, je réfléchissais à ce qui fait qu'un homme découvre des choses non encore découvertes : un problème qui me rend très perplexe. Beaucoup d'hommes très intelligents - beaucoup plus intelligents que les découvreurs - ne découvrent jamais rien". Il était très conscient de manquer de cette forme d'intelligence suprême que l'on peut assimiler au génie. Dans son autobiographie, il note : "Je n'ai pas la grande rapidité de compréhension ou l'esprit qui sont si remarquables chez certains hommes très intelligents comme Huxley. Je suis par conséquent un critique médiocre : un livre ou un article, quand je le lis une première fois, suscite généralement mon admiration et ce n'est qu'après un effort considérable de réflexion que j'en saisis les points faibles".


Juste après avoir reçu son diplôme d'Harvard avec mention "summa cum laude", Frank Sulloway entame des recherches sur la créativité scientifique.  Une remarque incidente de l'un de ses professeurs, Jerome Kagan, le frappe : l'un des amis de Darwin se serait opposé à ses théories parce qu'il était un aîné.


Commence alors pour lui un chantier énorme auquel il consacrera vingt-six ans de sa vie : mesurer l'influence du rang de naissance sur le comportement et la personnalité. De son obsession darwinienne naît un questionnement plus large : Qu'est-ce qui fait que certains se rallient à des idées nouvelles quand d'autres les refusent ? Et si le fait d'être aîné ou puîné était corrélé avec la capacité à lancer ou accepter des changements radicaux dans la façon de penser ou d'agir ?

Il construit un appareil statistique ultra-sophistiqué dans lequel il fait entrer des millions de données biographiques s'étendant sur cinq cents ans, élabore des analyses multifactorielles croisant rang de naissance, écarts d'âge, sexe, taille de la famille, relations avec les parents, perte d'un parent et comportements face à la Réforme protestante, Révolution française, abolitionnisme,  théorie de l'évolution, etc.

Et là, il arrive à un résultat qui a, selon lui, la solidité d'un roc : le rang de naissance joue un rôle déterminant dans les changements historiques.

Il n'est pas cause mais facteur explicatif et indicateur prédictif. La probabilité pour qu'un puîné soutienne une révolution politique radicale est 18 fois plus forte que pour un aîné, la probabilité pour un puîné d'être martyrisé pour sa foi protestante a été 46 fois plus forte que pour un aîné, les puînés membres de la Convention ont été deux fois plus nombreux que les aînés à voter la mort du roi, la propension pour un puîné à embrasser les idées de Darwin a été 4,4 fois plus élevé que pour un aîné. Bref, les puînés sont surreprésentés parmi les champions d'un changement radical.

Pourquoi ? Parce que s'il y a un conflit qui joue un rôle moteur dans l'histoire, selon Sulloway, ce n'est pas la lutte des classes mais la rivalité entre membres d'une même fratrie  (l'anglais a ce mot que nous n'avons pas pour désigner l'ensemble des frères et soeurs : siblings). L'ordre de naissance est un facteur explicatif qui selon lui transcende classe, nationalité, sexe et siècles.


Loin d'être un bloc monolithique de valeurs partagées, la famille est une entité animée d'intenses dynamiques divergentes. Elle est constituée de multiples microenvironnements qui induisent un éclatement des perspectives : chaque membre la perçoit d'un point de vue différent - expérience que tout un chacun aura faite en confrontant un souvenir d'enfance avec un frère et une sœur. Les membres d'une même fratrie (sibship) suivent des stratégies de diversification qui tendent à minimiser les effets de la compétition destinée capter les ressources limitées que sont l'affection et l'attention des parents.

Chacun façonne une niche qui lui est propre. Aux aînés, la tâche est facile : ils n'ont qu'à occuper le terrain, à défendre le statu quo et maintenir leur domination ; aux puînés, le choix est aux contre-stratégies : il leur faut rechercher une niche non occupée et se démarquer dans des domaines où les autres membres de la fratrie n'ont pas encore établi leur suprématie afin d'éviter les comparaisons défavorables. Ainsi les aînés ont-ils une forte propension à s'identifier à l'autorité et au pouvoir, à vouloir à tout prix adopter les intérêts de leurs parents (ce sont souvent de bons élèves) quand les puînés sont enclins à faire preuve d'imagination, à  s'ouvrir à l'expérimentation, à  prendre des risques, à cultiver une grande diversité d'intérêts.

Ces stratégies intra-familiales expliquent pour Sulloway les énormes différences de personnalité et de comportement observables entre deux membres d'une même fratrie. Certains psychologues ont même établi qu'il y avait autant de différences entre frères et sœurs d'une même famille qu'entre deux individus pris au hasard. Elles sont au fondement de la propension de chaque individu à adhérer à des changements radicaux ou à en être à l'origine : les aînés ont tendance à vouloir maintenir l'ordre établi tandis que les puînés ont davantage tendance à le remettre en cause.

Si Darwin a pu se montrer si novateur, c'est qu'il a privilégié les questions par rapport aux réponses, la curiosité par rapport à la conviction, la persévérance par rapport aux prérogatives, mettant à profit ses prédispositions de cadet. Dans Born to Rebel, Frank Sulloway offre un magnifique hommage à son héros : il explique Darwin par Darwin en appliquant à sa personnalité ses propres théories évolutionnistes. Car ces stratégies de diversification qu'il met en valeur ne sont autres que celles du  principe de divergence établi par Darwin après avoir analysé l'évolution des becs de pinsons des Galapagos. Pour l'auteur, "Les enfants utilisent leur cerveau pour mettre en œuvre la différenciation et l'adaptation que des espèces comme les pinsons de Darwin ont mis des millions d'années à accomplir".  L'enfance comme récapitulation de l'évolution des espèces, pas mal !

 

Pinsons des Galapagos, dans le  Journal of researches into the natural history and geology of the countries visited during the voyage of H.M.S. Beagle round the world, under the Command of Capt. Fitz Roy de Darwin, 1845

Frank Sulloway. Born to Rebel, Pantheon Books 1996. En français, le titre est traduit de manière racoleuse et fausse par Les Enfants rebelles, Odile Jacob, 1999.

Voir le superbe article de Robert S. Boynton, initialement publié dans le New Yorker, The Birth of an Idea: A profile of Frank Sulloway et en français la limpide compte rendu de Brigitte Steinmann dans Ethnologie comparée.

 

Oiseaux

 

Au-dessus de Rio volent en permanence des groupes d'oiseaux noirs aux ailes effilées tout droit sortis de la préhistoire, rappel de la nature primitive partout présente dans la ville, de l'immense forêt tropicale de Tijuca aux dizaines d'îles rocheuses désertes qui bordent la côte.

 

 

 

 

 

 

 

Azulejos de l'église Nossa Senhora da Gloria do Outeiro, une des rares églises baroques de Rio ayant survécu aux destructions urbanistiques massives des années 30 et 40. Sur les églises baroques démolies ou en ruine, voir Eduardo Verderame.